Laetitia Desanti

Introduction

Pourquoi Writing in the Disciplines?

Je suis partie d’une volonté de réfléchir, grâce à mon implication dans ce groupe de réflexion, à la manière dont je pouvais proposer aux élèves une alternative aux travaux d’écriture traditionnels et faire en sorte que les étudiants soient moins entravés par la barrière de la langue pour exprimer leur pensée.

Dans un cours de français langue seconde, l’écriture reprĂ©sente un dĂ©fi de taille. Cette dernière semble en effet indissociable d’un certain nombre de mythes. Les Ă©tudiants sont d’abord persuadĂ©s que bien s’exprimer en français requiert un talent hors-pair[1]. Ils pensent aussi que la langue de Molière est trop complexe (trop de règles, trop d’exceptions…) et que les erreurs de langue qu’ils peuvent commettre les condamnent d’entrĂ©e de jeu. Ils ne sont pas les seuls. Une personne qui s’exprime dans une langue seconde Ă©prouvera toujours un certain complexe Ă  Ă©crire dans cette langue Ă  une personne dont il s’agit de la langue maternelle. On sent le besoin de s’excuser et de se justifier. On a peur du regard de l’autre. L’écriture en français langue seconde devient, de leur point de vue, un domaine rĂ©servĂ© Ă  ceux qui maĂ®trisent la langueĚý: les «ĚýĂ©crivainsĚý», les francophones, les francophilesĚý: on parle «ĚýbienĚý» donc on Ă©crit «ĚýbienĚý» et on devient habilitĂ© Ă  faire de belles phrases. Mais que sont les belles phrasesĚý? Selon la langue Ă  laquelle on a recours, la rĂ©ponse peut-ĂŞtre bien diffĂ©rente. Comment, dans ces conditions, convaincre nos Ă©tudiants que l’acte d’écrire dans une autre langue peut ĂŞtre un atout et non le contraireĚý? Écrire dans une autre langue peut amener Ă  rĂ©flĂ©chir autrement, Ă  dĂ©couvrir d’autres perspectives et Ă  Ă©prouver une distance rĂ©flexive qu’il est souvent difficile de ressentir dans la langue qu’on utilise le plus frĂ©quemment au quotidien (Ă©tudes, maison, environnement).

J’ajouterais qu’une majoritĂ© de nos Ă©tudiants a eu l’habitude de s’exprimer Ă  l’oral durant sa scolaritĂ©. Cette compĂ©tence est très valorisĂ©e Ă  l’école. Ainsi, durant les cours, de nombreux Ă©tudiants prennent la parole sans se poser de question, alors que quand vient le moment de passer Ă  l’écrit, c’est une tout autre histoire oĂą la spontanĂ©itĂ© et l’indĂ©pendance intellectuelle ne prĂ©valent plus du tout. Quels moyens et quels supports Ă©crits faudrait-il utiliserĚýpour faire en sorte que l’acte d’écrire en français soit vĂ©cu autrement que comme une intĂ©riorisation de complexes ?

Enfin, je dirais que l’acte d’écrire tel qu’il est pratiquĂ© Ă  l’école peut tout Ă  fait ĂŞtre perçu comme un exercice contraignant et ennuyeux. Lorsque j’ai brièvement enseignĂ© Ă  l’école secondaire, j’ai constatĂ© avec amertume que les sujets, les thèmes et la structure des compositions imposĂ©es par le ministère avaient de quoi rebuterĚýtout Ă©tudiant animĂ© de bonnes intentions Ă  l’égard du français : «ĚýPensez-vous que les sports extrĂŞmes sont dangereuxĚý?Ěý», « ĂŠtes-vous pour ou contre le port de l’uniforme Ă  l’écoleĚý? », « Racontez en 400 mots votre meilleur souvenir de vacances ». Il Ă©tait aussi peu motivant pour moi de lire ces rĂ©dactions que, pour les Ă©tudiants, de les rĂ©diger. Aucune surprise, aucun plaisir liĂ© Ă  la pratique d’un tel exercice. L’acte d’écrire devient mĂ©canique. Il faut s’y plier, quoi qu’il arrive.

Loin de dénier aux travaux d’écriture plus classiques leur énorme valeur (de tels travaux font aussi complétement partie de mes cours, mais je ne les présenterai pas ici puisque ce n’était pas mon objectif de départ), j’aimerais présenter de nouvelles pratiques d’écriture dans mes cours.

Il s’agit deĚý:

1/ L’écriture collaborative d’une nouvelle fantastique – cours 102 (niveau 3, bloc A).

2/ L’écriture exploratoire via une plateforme numérique pour favoriser l’interaction, les échanges et la créativité des étudiants – cours sur la beauté et la laideur.

Ces diffĂ©rentes formes d’écriture plus crĂ©atives et personnelles viennent ainsi complĂ©ter l’autre volet plus traditionnel de l’écriture tel qu’on le retrouve dans les cours : analyse, commentaires de texte, dissertation ou texte rĂ©flexif. En intĂ©grant de nouveaux types d’écriture dans les cours de français et en diversifiant les supports utilisĂ©s grâce aux outils numĂ©riques, on multiplie les chances de susciter l’intĂ©rĂŞt des Ă©tudiants et de leur donner l’envie d’écrire. Grâce Ă  cette variĂ©tĂ© offerte par les formes d’écriture, on se sent moins «ĚýprisonnierĚý» et peut-ĂŞtre plus Ă  l’aise de s’exprimer dans une autre langue que celle utilisĂ©e dans tous ses autres cours au collège.

Bien entendu, ces formes d’écritures telles qu’elles sont décrites ici ont été juste introduites (fin du semestre d’automne 2017 et durant le semestre d’hiver 2018). Cela signifie qu’elles sont toujours à l’état d’expérimentation dans les classes et elles feront sûrement l’objet de changements à l’avenir.

 

PARTIE 1Ěý: L’écriture collaborative

L’idĂ©e d’intĂ©grer ce type d’écriture dans un cours de français sur la nouvelle reprend plusieurs des principes Ă©noncĂ©s par la philosophie de WID pour engager l’étudiant dans l’acte d’écrireĚý:

  • Pratiquer l’écriture en petits groupes pour partager des idĂ©es et s’entraider. Cela pousse les Ă©tudiants Ă  rĂ©flĂ©chir sur leurs stratĂ©gies d’écriture Ă  travers le regard et le texte de l’autre. Dans le chapitre 10 du livre Engaging Ideas, «ĚýUsing small groups to coach thinkingĚý», l’auteur rappelle que «Ěýhaving students work independently in small groups on purposefully designed and sequenced tasks produces significantly higher levels of thinking than lecture method, wholeclass discussion methods, or nondirective group workĚý». (p. 185-186)
  • Pratiquer la rĂ©Ă©criture et rendre l’étudiant responsable de la rĂ©vision de son texte en diffĂ©rentes Ă©tapes (p. 83, Engaging Ideas). Le texte devient alors un «Ěýwork in progressĚý»Ěý: «ĚýWithout the brouillon, we have eliminated from our writing classes the rich, the creative source of ideas and substituted instead a sterile order that leaves us obsessed with correctness, neatness, and propriety (p. 18, Engaging Ideas)
  • Changer la perception habituellement vĂ©hiculĂ©e par l’écriture « … writing is a joyless activityĚý» (p. 18, Engaging Ideas) et non un enterrement de première classe.
  • Promouvoir un apprentissage «Ěýactive learningĚý»Ěý: «Ěýlearning is shifting from passive reception to active creationĚý» («ĚýThe effects of collaborative writing activity using Google Docs on students’ writing abilitiesĚý», Ornprapat Suwantarathip et Saovapa Wichadee, in The Turkish Online Journal of Educational Technology, p. 148).

 

ObjectifsĚýet problĂ©matique :

Ă€ première vue, l’écriture Ă  plusieurs ne coule pas de source. L’acte de composer renvoie Ă  une certaine intimitĂ© avec le texteĚý: l’écrivain s’y confronte seul pour le composer. Cette notion de propriĂ©tĂ© du texte en exclut toute idĂ©e de partage. Certains Ă©tudiants, quand on leur parle d’écriture collaborative, avouent prĂ©fĂ©rer le travail individuel[2]. Ils n’ont envie ni de rendre des comptes ni de devoir adapter leur rythme Ă  celui des autres. Alors, quel intĂ©rĂŞt peut prĂ©senter un texte collaboratif Ă  leurs yeux ?

Si les travaux d’équipe sont maintenant frĂ©quents dans les cours, plus rares sont ceux qui s’étendent sur une longue pĂ©riode de temps et se rapportent Ă  l’écriture et Ă  la rĂ©vision. Qu’est-ce qu’un tel projet, avec ses Ă©tapes dĂ©limitĂ©es et les rĂ©visions qu’il permet, apporte aux Ă©tudiantsĚý? Sont-ils plus encadrĂ©s et soutenus dans leur pratique de l’écritureĚýpar rapport Ă  la composition telle qu’elle se prĂ©sente habituellement ? ĚýL’activitĂ© telle que je la pratique avec les Ă©tudiants se dĂ©roule durant la dernière partie du semestre. Il faut compter 6 semaines avant la remise finale. La composition comprend 5 Ă©tapes (que je vais dĂ©tailler plus loin) et 5 sĂ©ances d’environ 45 minutes en classe ou au laboratoire. Les Ă©tudiants sont bien entendu libres de continuer Ă  travailler sur le projet Ă  la maison. Durant les sĂ©ances en classe, j’en profite pour faire les exposĂ©s avec les Ă©tudiants, ce qui permet d’optimiser le temps, mais je rĂ©ponds aussi aux questions des Ă©tudiants et je fais des commentaires en temps rĂ©el sur le document. Je pense qu’il est important de laisser du temps en classe pour expliquer les Ă©tapes, les rappeler et pour que les Ă©tudiants puissent discuter du texte avec les membres de leur Ă©quipe. Il n’est en effet pas toujours Ă©vident pour eux de trouver des plages communes dans leur horaire oĂą ils peuvent discuter en temps rĂ©el de leur travail en dehors de la classe. ĚýUne fois le projet d’écriture collaborative terminĂ©, j’ai donnĂ© aux Ă©tudiants de quatre classes de 102 (automne 2017 et hiver 2018) un questionnaire. Ils ont Ă©tĂ© 111 Ă©tudiants Ă  rĂ©pondre. Ă€ la question, «ĚýCombien de temps environ avez-vous consacrĂ© Ă  ce projet depuis que vous l’avez commencĂ© en classe en avril / en novembreĚý?Ěý»Ěý:

  • Aucun Ă©tudiant n’a rĂ©pondu «Ěý5h ou moins de 5hĚý»
  • 66% des Ă©tudiants ont rĂ©pondu «Ěýentre 6 et 11hĚý»
  • 24% des Ă©tudiants ont rĂ©pondu «Ěýentre 11 et 16hĚý»
  • 8% des Ă©tudiants ont rĂ©pondu «Ěýplus de 16hĚý»

Enfin, après avoir pratiqué l’écriture collaborative sur un support papier en salle de classe durant l’année 2016-2017, je voulais vérifier si l’utilisation d’un outil numérique comme Google Docs pouvait faire une différence importante dans la pratique de l’écriture. L’écriture collaborative pratiquée à l’aide d’un outil numérique peut paraître un peu désincarnée au premier abord. On a l’habitude de s’en référer aux clichés du stylo, du carnet, de l’imprimé pratiqués dans un univers clos. Or, avec Google Docs, les étudiants se mettent à clavarder, ils commentent ouvertement, mais à distance le texte d’autrui. Le logiciel peut être utilisé en temps réel ou en différé. Le texte ne possède plus l’aura mystérieuse qu’on lui prête habituellement. J’aimerais démontrer que ces éléments permettent aux étudiants de rentrer plus facilement dans l’écriture.

 

Google DocsĚý:

Après avoir envisagĂ© plusieurs outils numĂ©riques plus complexes que Google Docs[3], j’ai choisi ce logiciel pour une raison en particulierĚý: sa simplicitĂ© d’utilisation. La majoritĂ© des Ă©tudiants sont familiers avec Google Docs. Ils s’en servent dĂ©jĂ  dans leurs autres cours. Il suffit de crĂ©er une adresse email Google pour accĂ©der au traitement de texte. Les documents sont facilement et rapidement accessibles, la dernière version est toujours disponible et on peut garder une trace des anciens commentaires et des versions prĂ©cĂ©dentes dans l’historique. Les Ă©tudiants sont unanimes Ă  propos de l’utilisation de Google DocsĚý: son format et le support qu’il offre conviennent parfaitement Ă  l’activitĂ©Ěý: «Ěýon pouvait continuellement critiquer et Ă©valuer notre texteĚý» ou «ĚýJe trouve que Google Docs est un excellent logiciel parce qu’on peut voir Ă  tout moment ce que les autres ont Ă©crit et ce qu’ils ont Ă  dire sur notre texte. Rien de mieux pour s’amĂ©liorerĚý».

 

DĂ©roulement de l’activitĂ©Ěý:

Avant de se lancer dans l’écriture d’une nouvelle appartenant au genre fantastique, il faut préciser que les élèves ont étudié les procédés narratifs et littéraires de plusieurs textes. Ils ont également lu et analysé des nouvelles de différents écrivains (Poe traduit par Baudelaire, Gautier, Mérimée, Maupassant et Borges…) et un film de C. Nolan. La longueur des textes, leur thème (la mort, le vampire, les objets animés, la folie et le double et le fantastique moderne, avec, en particulier la notion d’infini), les catégories auxquelles elles appartiennent ainsi que les époques de parution de ces œuvres sont variés.

Lorsque, dans le dernier tiers du semestre, ils ont acquis une meilleure connaissance du genre, ils vont pouvoir constituer des Ă©quipes pour se lancer dans l’écriture. Deux manières de faireĚý:

  • Le professeur constitue lui-mĂŞme les Ă©quipes afin d’équilibrer les compĂ©tences. Contrairement Ă  l’idĂ©e reçue, les Ă©tudiants sont aussi efficaces lorsqu’ils ne se connaissaient pas très bien.
  • Le prof donne la possibilitĂ© aux Ă©tudiants qui se connaissent dĂ©jĂ  de se mettre ensemble et ils demandent ensuite aux Ă©quipes dĂ©jĂ  constituĂ©es d’intĂ©grer avec elles les «Ěýloups solitairesĚý». Le fait d’introduire au moins un nouvel Ă©lĂ©ment au sein d’un groupe contribue Ă  changer les dynamiques de travail habituelles. Prendre l’habitude de toujours travailler avec quelqu’un que l’on connait peut ĂŞtre un avantage, mais cette proximitĂ© peut aussi mener Ă  un manque d’objectivitĂ© lorsqu’il s’agit de commenter, d’apprĂ©cier, de critiquer le travail des pairs.

En annexe, j’ai produit les détails de l’activité divisée en séances. J’ai également expliqué le processus de remise du travail en deux étapes et fait des commentaires.

Voir l’annexe 1

 

Avantages de ce type d’écriture

Dans cette partie, j’aimerais revenir sur les avantages de cette activité en classe de français ainsi que ses effets sur la pratique de l’écriture pour les étudiants. Pour ce faire, je vais recourir à mon expérience en tant qu’enseignante. Comme ce dernier est nécessairement partiel, j’aimerais également intégrer l’appréciation des étudiants et la manière dont ils ont vécu l’expérience.

Je crois qu’il est possible de trouver trois avantages principaux Ă  l’écriture collaborativeĚý:

  1. A) D’abord la grande flexibilitĂ© de l’écriture (grâce Ă  l’outil numĂ©rique utilisĂ©) n’enferme pas l’acte d’écrire dans un huis-clos (IMAGE ÉTRANGEĚý? LE HUIS-CLOS de l’écrire), mais, au contraire, tend Ă  le libĂ©rer.

Tout le travail est en ligne. Il est pratique d’avoir toujours la dernière version du document sous la main, mais de pouvoir revoir les Ă©tapes prĂ©cĂ©dentes, les commentaires marquĂ©s comme fermĂ©s ou rĂ©solus dans l’onglet «ĚýhistoriqueĚý». Il y a donc toujours une trace de ce qui a prĂ©cĂ©dĂ© et a permis l’élaboration du texte, ce qui assure un lien entre passĂ© et devenir.

Google Docs comme n’importe quel autre logiciel rendant possible l’écriture collaborative permet aux Ă©tudiants de dialoguer de plusieurs façons sur le texte qui est en train de s’échafauder. Ce dialogue peut ĂŞtre synchrone, asynchrone, en classe, en dehors de la classe et, si un Ă©tudiant est absent lors d’une sĂ©ance, il a tout Ă  fait la possibilitĂ© de se connecter Ă  distance pour travailler en mĂŞme temps que ses camarades sur le projet. De plus, dès qu’on rentre dans le document, cela est signalĂ© aux auteurs. Beaucoup d’étudiants Ă©taient alors en ligne en mĂŞme que je faisais des commentaires. Cela a Ă©tĂ© plusieurs fois l’occasion de dialoguer avec eux. Cela se retrouve dans les commentaires des Ă©tudiantsĚý: «ĚýGoogle Docs est un très bon outil pour Ă©crire collaborativement. La fonction de donner des commentaires facilite la correction du texteĚý».

L’outil permet aussi indĂ©niablement de rentrer plus facilement dans le texte. Les Ă©tudiants plus timides Ă  l’oral ou avec des difficultĂ©s Ă  l’écrit ont profitĂ© de la collaboration et de l’environnement convivial offert par Google Docs. Pour des jeunes de 17 Ă  21 ans, le clavardage, le commentaire, le «ĚýLikeĚý» et le partage des documents avec une visibilitĂ© pour ceux qui les entourent sont des choses assez pour ne pas dire complètement naturelles, qui ne diffèrent pas, somme toute, de ce qu’ils pratiquent quotidiennement sur les rĂ©seaux sociaux, par exemple. Les jeunes aiment se tenir en groupes et je pense que la sociĂ©tĂ© d’aujourd’hui ne va certainement pas dĂ©mentir cette assertion.

  1. B) Ensuite, l’aspect évolutif et progressif du travail d’écriture peut inciter l’étudiant à prendre en main son texte et à l’envisager comme quelque chose de dynamique, toujours amené à changer. Écrire ne consiste pas seulement à coucher des mots sur le papier, c’est un processus où l’organisation et la réflexion ont des places de choix.

La pratique de l’écriture collaborative conduit fatalement le groupe Ă  s’organiser. Les Ă©tudiants ne sont plus seulement face Ă  leur texte, mais ils deviennent les acteurs d’une Ă©criture qui s’élabore Ă  plusieurs mains. Voici quelques-uns des commentaires qui reviennent souvent sous la plume des Ă©tudiantsĚý:

«ĚýAvant d’écrire notre nouvelle, on a beaucoup parlĂ©. On a eu des difficultĂ©s Ă  se mettre d’accord sur nos idĂ©es, mais en discutant, on a pu crĂ©er notre histoire progressivement en incluant les idĂ©es de tout le monde dans le groupe et chaque idĂ©e personnelle a Ă©tĂ© amĂ©liorĂ©e par les coĂ©quipiers. Le travail d’écriture collaborative stimule la crĂ©ation, car cela nous permet de rentrer en contact avec notre imagination et celle de nos camaradesĚý».

Il faut cependant avouer que l’écriture collaborative impose son lot de défis. Les membres de l’équipe doivent se coordonner, s’assurer que chacun respecte les idées énoncées au départ et rester conscient des directions que le groupe a choisi de donner au texte.

«ĚýJ’avoue que le travail d’équipe demande des efforts de la part de chacun, il fallait que le produit fini plaise Ă  tout le monde. De plus, si le fait de trouver des idĂ©es vient plus rapidement en Ă©quipe, il est difficile de rassembler ces idĂ©es en un style cohĂ©rent pour en faire une histoire qui fonctionne bien. Il y a parfois des conflits d’idĂ©es qui n’aident pas forcĂ©ment Ă  crĂ©er une histoire bien unifiĂ©eĚý», explique un Ă©tudiant. En effet, il faut savoir Ă©couter les autres, ĂŞtre attentif au rythme des autres, faire des compromis, accepter que le texte final ne soit pas un produit fini oĂą prĂ©vaut une pensĂ©e unique. «ĚýLa vision du texte est très diffĂ©renteĚýd’une personne Ă  l’autre », comme le souligne un Ă©tudiant, avant de remarquer que «Ěýcet aspect n’est pas toujours un dĂ©savantage. Au contraire, il peut s’avĂ©rer enrichissantĚý».

Ajoutons que les niveaux de français ne sont pas toujours les mĂŞmes dans le groupe et que certains Ă©tudiants sont plus «ĚýmeneursĚý» que d’autres, un Ă©tudiant semble tenir compte de cet aspect lorsqu’il ditĚý: «ĚýOn a bien travaillĂ©, il n’y avait pas de chefĚý». Mais cette rĂ©alitĂ© n’est-elle pas celle qu’on retrouve dans notre vie au quotidienneĚý? Je pense au monde professionnel, bien sĂ»r, oĂą certains mĂ©tiers nous amènent Ă  collaborer ou coopĂ©rer d’une manière identique. La diffĂ©rence est que la situation ne se joue plus simplement sur les bancs de l’école pour s’amuser et obtenir une note.

Certains Ă©tudiants (j’ai eu la surprise de trouver cette rĂ©ponse beaucoup plus souvent que je ne l’aurais pensĂ© dans les questionnaires) affirment que le travail collaboratif a Ă©tĂ© l’occasion de «Ěýrencontrer quelqu’unĚý», de «ĚýcrĂ©er des nouvelles amitiĂ©s et de connaĂ®tre des gens qu’ils n’auraient pas connus autrementĚý».

En dĂ©finitive, Ă  la question «ĚýDe 1 (très mauvaise) Ă  5 (excellente), comment est-ce que vous Ă©valueriez votre performance de groupe?, voici comment se rĂ©partissent les 112 rĂ©ponsesĚýobtenues :

1/5 (très mauvaise, aucun plaisir Ă  faire l’exercice)Ěý: 0%

2/5 (mauvaise, trop de problèmes, l’expĂ©rience est nĂ©gative)Ěý: 0%

3/5 (bonne, mais sans plus)Ěý: 17,8%

4/5 (très bonne et utile)Ěý: 55,3%

5/5 (excellente, l’expĂ©rience a dĂ©passĂ© les attentes)Ěý: 23.2%

Les Ă©tudiants estiment en gĂ©nĂ©ral que le travail a vraiment Ă©tĂ© collaboratif, mais qu’il Ă©tait plus difficile d’inventer une histoire Ă  plusieurs (dĂ©saccord sur choix des thèmes et des procĂ©dĂ©s). En revanche, les discussions Ă  ce sujet devenaient plus productives et rendaient le travail plus riche (par rapport Ă  l’écriture individuelle). «ĚýLe travail collaboratif stimule la crĂ©ation dans la mesure oĂą chaque Ă©tudiant peut s’inspirer des autres et oĂą on peut avoir une ou plusieurs autres opinions sur son propre texteĚý» a conclu un Ă©tudiant.

En outre, il semble important pour ne pas dire fondamental d’encadrer les Ă©tudiants dans ce travail, tout en leur laissant la libertĂ© dont ils ont besoin pour crĂ©er. Cet encadrement passe d’abord par une dĂ©limitation claire des Ă©tapes Ă  franchir pour rendre le produit final. Ces Ă©tapes doivent ĂŞtre prĂ©sentĂ©es dès le premier jour de l’activitĂ© et rappelĂ©es tout au long du processus. Elles servent donc de guide, elles aident «ĚýĂ  rester organisĂ© en tant que groupeĚý» et donnent des repères Ă  l’étudiant qui se sent parfois pris au dĂ©pourvus et ne voit pas du tout comment il va se sortir du syndrome de la «Ěýpage blancheĚý» pour aboutir Ă  une nouvelle littĂ©raire. La majoritĂ© des Ă©tudiants disent avoir trouvĂ©e efficace le travail par Ă©tapeĚý: «Ěýles Ă©tapes nous poussaient Ă  bien rĂ©flĂ©chir Ă  nos idĂ©es avant de procĂ©der Ă  l’écriture et le texte Ă©tait terminĂ© avant la rĂ©visionĚý».

Ce qui reste pourtant le plus impressionnant en tant qu’enseignant, c’est de voir la capacité de chacun des membres d’une équipe à embellir un texte qui, la plupart du temps, présente de nombreux des problèmes lors de la première remise. Loin d’être une entité statique, le texte prend s’anime à l’écran. Comme tout écrit, il passe par différents stades allant de balbutiements brouillons à une réalisation mieux structurée qui a gagné en épaisseur et en profondeur. Du reste, les étudiants sont quasiment unanimes sur le soutien qu’ils ont reçus de la part de leurs pairs ou de celle du professeur. C’est ce dernier point dont j’aimerais parler pour terminer cette partie.

  • La manière dont cette activitĂ© est conçue permet d’apporter un soutien optimum aux Ă©tudiants.

D’abord, l’aide d’autrui, la mise en commun du texte – dans l’élaboration des idĂ©es et les solutions que l’on peut apporter Ă  des problèmes posĂ©s par l’écriture -, semble quasiment toujours bĂ©nĂ©fique. La crĂ©ativitĂ© est souvent dĂ©cuplĂ©e et l’engagement ne s’exerce plus seulement Ă  un niveau individuel (l’étudiant face Ă  son texte), mais il devient mutuel. En tĂ©moignent les commentaires suivantsĚý:

«ĚýEn groupe, c’est plus facileĚý: on peut toujours trouver des nouvelles idĂ©es grâce aux autres et on ressent moins de stressĚý»

«ĚýL’échange des idĂ©es mène Ă  la crĂ©ation d’une histoire unique. C’est ce qui fait la beautĂ© du projetĚý»

Ensuite, l’entraide entre les membres du groupe, voire l’aide reçue en dehors du cadre du cours, attĂ©nue les complexes que l’on peut entretenir Ă  l’égard de l’écriture dans un contexte de FLS. Le fait de pouvoir corriger ses erreurs avant d’être Ă©valuĂ© redonne confiance en soi. On a la possibilitĂ© de s’amĂ©liorer donc on est tranquillisĂ© par rapport Ă  la question de la note qui, de toute façon, va s’amĂ©liorer. Si le travail collaboratif est peut souvent ĂŞtre plus lent qu’un travail individuel, il peut mener Ă  un rĂ©sultat surprenant : «ĚýL’avis d’un camarade est utile pour trouver les faiblesses d’un texte et ne pas tenir pour acquis ce qui est produit »

« Le processus est plus lent Ă  plusieurs, mais, avec le regard de quelqu’un qui connait les idĂ©es sans les avoir mis lui-mĂŞme en forme, on arrive Ă  produire un texte qui est parfois inattendu par rapport Ă  ce qu’on avait imaginĂ© au dĂ©part. C’est très plaisantĚý»

Plusieurs Ă©tudiants ont soulignĂ© Ă  quel point le regard de l’autre leur est bĂ©nĂ©fiqueĚý:

«ĚýMon camarade m’a aidĂ© avec l’amĂ©lioration de mon français et c’était une bonne expĂ©rienceĚý».

Au travail d’entraide entre membres d’un groupe, s’ajoute l’aide Ă  un niveau individuel (pour l’étudiant) et collectif (pour le groupe) fournie par le prof. Ces deux niveaux, loin de s’opposer, viennent se complĂ©ter, se relancer, se combiner au sein du processus de crĂ©ation. Certains Ă©tudiants diront qu’ils «Ěýont relu tous les commentaires faits en marge de la nouvelle et ont changĂ© beaucoup leur texteĚý». D’autres confirment que les commentaires qui leur ont Ă©tĂ© faits ont vraiment Ă©tĂ© «ĚýutilesĚý» ou que le fait de «Ěýrecevoir autant de commentaires Ă©tait parfait.Ěý» avant d’ajouter : «ĚýPeut-ĂŞtre que le prof a mis un peu trop d’explications. Ce serait mieux si c’était en forme de points formelsĚý». Ce dernier point me donne l’occasion de parler de ce qui pourrait ĂŞtre amĂ©liorĂ© et se trouver au centre d’une rĂ©flexion.

 

Inconvénients et problèmes auxquels l’enseignant doit faire face

Si l’écriture collaborative est, dans l’ensemble, un succès, il convient aussi de parler de ce qui a posé ou peut poser problème.

Tout d’abord, il semble assez clair que le travail collaboratif et les activitĂ©s impliquant des textes crĂ©atifs ne conviennent pas Ă  tout le mondeĚý:

«ĚýJe prĂ©fère Ă©crire seul, mais, surtout, je n’aime pas dĂ©pendre du travail d’autruiĚý». MĂŞme s’il y a peu de mĂ©tiers dans la vie oĂą on ne dĂ©pend absolument aucunement d’autrui ou de son travail, certaines personnalitĂ©s s’accommodent très mal d’une collaboration.

«ĚýÉcrire seul est plus Ă  mon avantage, c’est trop difficile pour moi de travailler en Ă©quipeĚý». C’est vrai qu’il est tentant de rester «Ěýdans sa bulleĚý». Partager des idĂ©es est une chose, aller plus loin que ce stade est en mesure de gĂ©nĂ©rer des rĂ©ticences, voire des blocages. Il faudrait penser Ă  apporter des solutions Ă  ce problème.

«ĚýJe trouve les textes traditionnels du style dissertation plus faciles Ă  Ă©crire, mais les textes crĂ©atifs plus intĂ©ressants et stimulantsĚý», ce Ă  quoi, j’aurais tendance Ă  rĂ©pondre que cela dĂ©pend de ce que l’on recherche lorsqu’on Ă©crit ces types de textes. Effectivement, j’ai dĂ©jĂ  retrouvĂ© sous la plume des Ă©tudiants de remarques du typeĚý: «ĚýJe prĂ©fère les travaux plus traditionnels, car c’est ce qu’on fait dans tous nos autres coursĚý». Effectivement, certains fonctionnent bien quand les pratiques d’écriture leur sont familières. La nouveautĂ© implique du stress, une autre perspective, une adaptation trop grande. On sort de la zone oĂą l’on se sent Ă  l’aise et, dans ce contexte, on est moins productif.

Pour équilibrer les composantes et ne pas défavoriser les étudiants qui sont dans ces cas, j’introduis le plus de variété possible dans mon cours. Ainsi, les étudiants devront rédiger un texte créatif de manière collaborative, mais aussi un texte impliquant une réflexion critique de manière individuelle. Les deux types d’évaluation sont proposées et elles valent 20% chacune. Il est bon de passer par l’une ou l’autre de ces compositions pour déterminer à quel type de pratique on répond le mieux et comprendre pourquoi on excelle dans l’une d’elles plutôt que l’autre.

Par ailleurs, un commentaire est revenu Ă  plusieurs reprises de la part des Ă©tudiants Ă  propos des problèmes d’organisation, de communication et du manque de temps consacrĂ© Ă  l’exercice d’écriture collaborative. Il est parfois difficile de se rĂ©partir les tâches Ă©quitablement, de s’exprimer au sein d’un groupe (certains Ă©tudiants avouent ĂŞtre timides et mal Ă  l’aise de faire valoir leur point de vue). Cela est susceptible de crĂ©er des malentendus ou des tensions dans l’équipe. Dans d’autres cas, les Ă©tudiants ont trouvĂ© qu’il «ĚýĂ©tait pĂ©nible d’attendre qu’un ou des membres de l’équipe aient terminĂ© d’écrire leur travailĚý» et que l’équipe n’avait pas eu assez de temps pour terminer le travail. Celui qui Ă©crit la dernière partie est assez tributaire des autres, de ce point de vue. Cependant, 6 semaines consacrĂ©es Ă  un tel travail occupent dĂ©jĂ  une bonne partie du semestre. D’autres Ă©tudiants, pour des raisons diverses, avancent moins vite que d’autres. Des Ă©lèves avouentĚý: «ĚýOn n’a pas toujours le temps de se rencontrer en dehors du cours parce qu’on n’est pas libres en mĂŞme tempsĚý». Il est aussi dĂ©jĂ  arrivĂ© qu’un Ă©tudiant de l’équipe disparaisse en cours de route. Le professeur doit gĂ©rer ce genre de problème aussi sans pĂ©naliser le reste de l’équipe.

On a aussi des diffĂ©rences de niveau entre les Ă©tudiants. Certains sont francophones, d’autres pas, certains ont des idĂ©es gĂ©niales, mais ont du mal Ă  les transcrire et puis, il y a ceux qui sont plus faibles en grammaire et en syntaxe et qui, fatalement, auront plus de travail de rĂ©vision que les autres. Travailler Ă  unifier les styles est, de ce point de vue, loin d’être Ă©vident. Des Ă©tudiants perçoivent vraiment cet aspect comme un inconvĂ©nient majeurĚý: «Ěýsi mon partenaire est faible, je suis pĂ©nalisĂ©Ěý», d’autres disent qu’il paraĂ®t aussi bien «Ěýcomplexe de mettre les idĂ©es des autres sur le papier ou de les traduire en motsĚý». «ĚýOn ne peut pas avoir exactement nos idĂ©esĚý» non plus, «Ěýet c’est frustrantĚý», dira un autre Ă©tudiant. De quel cĂ´tĂ© faut-il pencherĚý? Accepter que des idĂ©es soient moins riches, mais indĂ©pendantes ou amĂ©liorĂ©es par les autres Ă  condition de faire des compromisĚý?

Enfin, certains Ă©tudiants ont trouvĂ© qu’il y avait trop de commentaires et qu’on se perdaitĚý; d’autres auraient souhaitĂ©s en avoir plus. On pourrait ajouter Ă  la liste de nombreux autres commentaires. Il est difficile de contenter tout le monde et il est probable que la manière dont on pratique cette activitĂ© aura encore beaucoup changĂ© durant les prochains semestres en fonction des commentaires des Ă©tudiants.

  • Exemples de nouvelles rĂ©digĂ©es par des Ă©tudiants avec diffĂ©rents stades de rĂ©daction du brouillon Ă  la version finale

Voir l’annexe 2 – version 1 de la nouvelle collaborative (sans les commentaires)

Voir l’annexe 3 – Exemples de commentaires

Voir l’annexe 4 – Exemples de commentaires

Voir l’annexe 5 – Totalité des commentaires (sans les commentaires généraux)

Voir l’annexe 6 – version 2 de la nouvelle

Voir l’annexe 7 – textes autoréflexifs

 

PARTIE 2Ěý: L’écriture exploratoire sur plateforme numĂ©rique

En plus de laisser la voie à l’expression personnelle, ce type d’écriture favorise l’interaction entre utilisateurs, les échanges et la créativité des étudiants.

Comme pour l’écriture collaborative, c’est encore la philosophie de WID qui m’a fait prendre conscience du potentiel pĂ©dagogique de d’autres formes d’écriture comme l’écriture sous forme de journal, de blogs ou sous forme spontanĂ©eĚý: «ĚýOne of its main functions is to help the individual assimilate new ideas by creating personal contexts that link new, unfamiliar material to what one knows or has experienced. It is writing to discover and explore, to mull over, to ruminate on, to raise questions about, to personalize. It is often fragmentary and disorganized, like talking to oneself on paper. Although intented for the self, it seems to be the seedbed for ideas that later emerge in products written for others.Ěý» (Engaging Ideas, p. 56-57).

En outre, je me suis demandé ce que la dimension numérique de telles formes d’écriture pouvait apporter en plus dans un cours de français.

 

Le contexte dans lequel ce cours a été élaboré

Durant l’hiver 2017, j’ai reçu un dégrèvement pour mettre sur pied un cours Learning Communities au collège où l’histoire et le français feraient l’objet d’une approche interdisciplinaire autour du thème de la beauté. Le cours était conçu pour s’adresser à tous les étudiants intéressés par les arts. Nous avons ciblé les étudiants de niveaux 3 et 4. Je n’ai, hélas, jamais eu la chance d’enseigner ce cours avec ma collègue du département d’histoire Julie Johnson, mais je me suis inspirée de notre réflexion commune pour créer un cours de BXD (niveau 2, bloc B) pour le programme d’arts et lettres.

Le fait de travailler en tandem à l’élaboration d’un tel cours a été une expérience à la fois surprenante et extrêmement fructueuse. Nous avions des perspectives, des idées et des regards très différents l’une de l’autre. Cette diversité s’est exprimée au travers d’un dialogue continuel et nous avons pu ainsi revisiter nos pratiques d’enseignement grâce au regard de l’autre. Le fait de travailler dans deux langues était aussi un atout. La structure du cours a ainsi, par la suite, permis aux étudiants de travailler dans une même perspective relativiste. Nous avons souhaité qu’ils puissent être placés devant différentes facettes du sujet en les rendant plus susceptibles de voir la beauté ou la laideur avec une vision encore plus large que celle qu’ils avaient au début. Tenir compte le regard de leurs pairs nous semblait être un aspect qui devait rester au centre de notre cours.

 

Pourquoi Visual ClassroomĚýdans un cours de français ?

Dans cette optique,ĚýVisual ClassroomĚýreprĂ©sentait un outil de travail très utile. Cette plateforme m’a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e l’hiver dernierĚýparĚýnotre excellentĚýcollègue du dĂ©partement de chimie Yann Brouillette. J‘en profite, du reste, pour leĚýremercier vivement deĚýsa grande disponibilitĂ©, deĚýsa patience et surtout deĚýsa gĂ©nĂ©rositĂ© Ă  partager le matĂ©riel/ les supports qu’il utilise dans ses cours.ĚýĂ€Ěýmes yeux, Visual ClassroomĚýfournit un support grâce auquel les Ă©tudiants peuvent pratiquer l’écriture exploratoire, partager des contenus divers (images, vidĂ©o, audio, etc.), s’engager dans des discussions pour prolonger le cours, dialoguer et avoir des rĂ©troactions, le tout dans un environnement convivial.Ěý

Visual Classroom, par rapport à un support papier, rend visible les perspectives d’autrui, tout en incitant à se questionner sur les nôtres. La réflexion peut s’ouvrir sur d’autres perspectives et elle ne s’exerce plus seulement à un niveau individuel.

 

Aperçu des travaux réalisés durant le semestre d’hiver 2018

  1. Réalisation de calligrammes sur le thème de la beauté

Nous avons parlĂ© de la beautĂ© de la langue et des mots et nous nous sommes intĂ©ressĂ©s Ă  la poĂ©sie avec, notamment,ĚýcertainsĚýcalligrammes d’Apollinaire. J’ai demandĂ© aux Ă©tudiants de crĂ©er leur propre calligramme en Ă©quipe de 2 ou 3. Ils devaient trouver une idĂ©e / un concept en rapport avec la beautĂ© ou la laideur et rĂ©flĂ©chir Ă  l’association entre le thème et le dessin. Sur Visual Classroom, ils ont postĂ© leurs crĂ©ations photographiĂ©es avec transcription afin que toute la classe puisse voir les rĂ©alisations des autres et en discuter par la suite. Chaque groupe a Ă©galement expliquĂ© l’idĂ©e / le concept derrière le calligramme (inspiration, signification, rapport entre les mots et le dessin)Ěýainsi que l’association entre la crĂ©ation (thème, sujet, dessin, agencement, crĂ©ation…) et le thème de notre cours sur la beautĂ© et la laideur.

2. Projet de triptyque (Comprehensive exam)

Dans le cadre du cours sur la beautĂ© et du projet de fin semestre, je demande aux Ă©tudiants de choisir trois formes de beautĂ© diffĂ©rentesĚý: (une forme classique, une forme moderne, une forme contemporaine) pour composer un triptyque sur lequel ils feront des recherches et qu’ils prĂ©senteront Ă  l’écrit et Ă  l’oral. Ces trois formes peuvent appartenir Ă  n’importe quel domaine (danse, musique, chanson, peinture, architecture, photo, corps, mode, design, cinĂ©ma, théâtre, lieux, dessin,Ěýsculpture, objets, mots, livres, etc.). Chaque forme peut provenir d’un domaine diffĂ©rent, mais il doit y avoir un lien entre les trois parties et avec le domaine d’études.

Le triptyque doit ĂŞtre postĂ© sur Visual Classroom avec les images, les liens vidĂ©o et photo, pour ĂŞtre montrĂ© en classe et consultĂ© Ă  la maison. Si les Ă©tudiants doivent bien sĂ»r expliquer les critères de beautĂ© de chacune des formes, s’appuyer des sources fiables pour en parler ainsi que les raisons de leur choix, ils doivent aussi rĂ©agir sur Visual Classroom en commentant les projets de leurs pairs. Cet aspect les pousse Ă  examiner le travail de leurs camarades pour y dĂ©couvrir d’autres formes de beautĂ© que celles qu’ils connaissent et rĂ©flĂ©chir Ă  la thĂ©matique avec d’autres perspectives. Je demande donc de faire sur Visual Classroom trois commentaires Ă  des camarades. On peut, par exempleĚý:

  • Poser une question
  • Expliquer pourquoi une ou des formes de beautĂ© prĂ©sentĂ©es par un camarade plait ou dĂ©plait et en expliquer la raison
  • Analyser un aspect ou un critère de la forme de beautĂ© d’un certain point de vue (sociologique, psychologique, scientifique, artistique ou autre)
  • Justifier pour quoi on n’aime pas une forme de beautĂ© prĂ©sentĂ©e
  • Expliquer qu’on ne comprend pas l’intĂ©rĂŞt d’une forme / d’œuvre / d’un passage / d’un aspect
  • Avoir une idĂ©e originale
  • Vouloir exprimer une critique
  • Trouver une problĂ©matique intĂ©ressante
  • Faire un lien avecĚý:
    • une autre lecture ou un film
    • un sujet d’actualitĂ©
    • l’époque de la crĂ©ation de l’œuvre
    • la vie de l’auteur
    • quelque chose de personnel
    • une expĂ©rience
    • une rĂ©flexion personnelle

Voici Ă  quoi peuvent ressembler les triptyques publiĂ©sĚý:

 

Si on regarde le triptyque D’ÉmĂ©lie, elle prĂ©sente ces trois formesĚý:

 

Son projet a suscitĂ© les rĂ©actions suivantes de la part de ses camaradesĚý:

3. Expression spontanée et personnelle

Visual Classroom est également utilisé comme un journal personnel. Cette forme d’écriture permet de prendre note de réflexions, de questions posées, d’hypothèses soulevées ou encore d’émotions exprimées.

Divers types de réflexions sont possibles. Les étudiants les choisissent en fonction de leurs préférences :

  • Le journal personnelĚýest utilisĂ© pour l’expression des sentiments et pour le rĂ©cit d’expĂ©riences personnelles. L’étudiant y consigne des situations vĂ©cues dans un contexte scolaire ou extrascolaire ;
  • LeĚýjournal de lectureĚýsert Ă  noter des impressions, des questions, des hypothèses sur le contenu des textes lus, etc. Y sont consignĂ©es les remarques sur ce qu’on trouve surprenant ou intĂ©ressant. Ce type de journal se combine parfois avec un journal de rĂ©actions personnelles ;
  • LeĚýjournal de crĂ©ation oĂą on peut crĂ©er un texteĚý(nous en avons vu un exemple avec le calligramme) ;
  • LeĚýjournal d’apprentissageĚýmet l’accent sur la prise de conscience de la dĂ©marche d’apprentissage. L’étudiant produit des Ă©crits rĂ©flexifs.

 

Objectifs et avantagesĚýde ces formes d’écriture sont les suivants :

  • TĂ©moigner de votre comprĂ©hension du thème du cours (beautĂ© / laideur)Ěý;
  • Écrire en français de manière informelle (pratiquer l’écriture)Ěý;
  • S’exprimer, exprimer ses opinions, ses idĂ©es, sa crĂ©ativitĂ©Ěý;
  • RĂ©flĂ©chir Ă  ce qu’on lit et Ă  son apprentissageĚý;
  • Enrichir sa culture et son expĂ©rience personnelleĚý;
  • Affiner son esprit critique.

 

Exemple de choix de sujetsĚý:

Exemples de rĂ©ponse d’une Ă©tudiante, du professeur et de l’étudiante qui rĂ©pond de nouveauĚý:

AmĂ©liorations Ă  envisager pour un prochain coursĚý:

Je voudrais davantage aider les étudiants à faire des commentaires moins gratuits et plus profonds dans le but de développer une pensée critique.

J’aimerais aussi que les étudiants se répondent plus spontanément entre eux et trouver des manières de relancer davantage les discussions.

 

Conclusion / bilan

En conclusion, l’écriture collaborative m’a permis d’explorer les nombreuses possibilités et perspectives rendues possible par WID. Elle m’a notamment donné la chance d’explorer le potentiel pédagogique du travail d’équipe et d’en comprendre les enjeux, les avantages et les embuches. Elle m’a également permis d’élaborer un véritable projet par étapes (layered writing task) et par le fait même, d’en arriver à mieux comprendre les difficultés qui se présentent au cours de la rédaction, d’aider les étudiants à les résoudre à chacune des étapes de manière dynamique et interactive, et ce afin d’en arriver à un produit final de qualité. Elle a été l’occasion de laisser les étudiants prendre en main leur apprentissage, de m’effacer en tant que maître tout en restant clairement présente en tant que guide. Finalement, elle m’aura permis d’utiliser des ressources facilitant les travaux d’équipe et les commentaires dynamiques telles que Google Docs et Visual Classroom.

Je tiens à mentionner à mes lecteurs que WID a transformé à jamais ma conception de l’éducation et élargi de manière importante mes perspectives sur la pédagogie.

¸éĂ©´ÚĂ©°ů±đ˛Ôł¦±đ˛őĚý:

AUGET, Claire. «ĚýÉcriture numĂ©riqueĚý: la conversion du littĂ©raireĚý?Ěý», Le Français aujourd’hui. Paris, Armand Colin, janvier 2018, numĂ©ro 200. Voir plus spĂ©cifiquement le chapitreĚý: «ĚýÉcriture collaborative numĂ©rique et appropriation d’une Ĺ“uvre patrimonialeĚý».

BEAN, John. Engaging Ideas. The professor’s guide to Integrating Writing, Critical Thinking, and Active Learning in the Classroom, Jossey-Bass, San Francisco, 2011 (second edition).

FORMET, Bertrand. «ĚýLa boĂ®te Ă  outilsĚý: l’écriture pour les Ă©lĂ©ves et pour les enseignantsĚý», Des ateliers CANOPE. [en ligne]. AcadĂ©mie de Besançon. Atelier 25 (29 janvier 2015. Mis Ă  jour 30 octobre 2017).

ĚýHULIN, Thibaud. «ĚýEnseigner l’activitĂ© Ă©criture collaborativeĚý», Tics et sociĂ©tĂ© (in Revues.org), Vol. 7, numĂ©ro 1, [en ligne]. (1er semestre 2013).

KOTULA, Krzysztof. «ĚýUne première expĂ©rience d’écriture collaborative – Enjeux et dĂ©fis de co-crĂ©ation des textes selon la perspective des membres d’un groupe nouvellement constituĂ©Ěý», ALSIC (Apprentissage des langues et systèmes d’information et de communication), Vol. 19, numĂ©ro 2, [en ligne]. (2016)

SCHĂ–CH, Christof. «ĚýCinq logiciels d’écriture collaborative pour universitaires… et pour tout le monde. Petit tour des diffĂ©rents logiciels d’écriture collaborative et astuces utiles pour choisir le bon outilĚý», Contrepoints, [en ligne]. (6 avril 2014).

SUWANTARATHIP, Ornprapat and WICHADEE, Saovapa. «ĚýThe effects of collaborative writing activity using Google Docs on students’ writing abilitiesĚý», The Turkish Online Journal of Educational Technology, April 2014, volume 13, issue 2, p. 148-156.

TARDIF, JosĂ©e. «ĚýL’écriture collaborative numĂ©rique pour motiver les Ă©lèvesĚý», École branchĂ©e. Enseigner Ă  l’ère numĂ©rique. [en ligne]. (16 dĂ©cembre 2015).

Un blogĚý:

Un forumĚý:

MORAND, Delphine, «ĚýPĂ©dagogie de l’écriture collaborativeĚý», Le cafĂ© pĂ©dagogique (L’expresso). [en ligne]. (Octobre 2014).

Notes de bas de page:

[1] A la fin de ce semestre, un Ă©tudiant ayant obtenu une moyenne de plus de 90% dans son cours de français est venu me voir pour changer de niveau pour son prochain cours de français. Lorsque je lui demande de m’expliquer la raison pour laquelle il me fait cette surprenante demande, il me rĂ©pondĚý: «ĚýParce que mon français n’est pas assez bon, il est trop pauvre, il ne vaut pas cette noteĚý». Cette rĂ©ponse en dit assez long sur la perception et le rapport que les Ă©lèves de français ont avec la langue.

[2] Je reviendrai plus tard sur cet aspect avec les commentaires des étudiants sur l’activité et la manière dont ils ont vécu l’expérience.

[3] Je pense Ă  Etherpad, Mediawiki, Penflip, FidusWriter, voir l’article Ă  ce sujetĚý:

 



Last Modified: October 11, 2018